Mariage temporaire : est-il haram ? Tout ce qu’il faut savoir

Interdit par la grande majorité des écoles sunnites, mais toujours pratiqué et reconnu par le chiisme duodécimain, le mariage temporaire divise profondément la jurisprudence islamique. Légal dans certains pays, il expose à la fois à des controverses religieuses et à des conséquences juridiques variables selon les États.

Les règles qui l’encadrent diffèrent radicalement d’une tradition à l’autre, générant des incompréhensions et des débats persistants. Les conditions de validité, la durée et les droits des parties concernées restent au cœur des préoccupations, alors que la question de sa licéité continue d’alimenter les discussions dans le monde musulman.

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mariage temporaire : définition, origines et principes fondamentaux

Derrière les termes mariage temporaire, mut’a ou nikâh al-mut’a, se cache un contrat singulier qui a traversé les siècles et les territoires du monde musulman. Au cœur de ce dispositif, un principe inédit : l’union prend fin à une date fixée dès le début, sans ambiguïté. On est loin du modèle classique, où le lien se veut durable. L’histoire rapporte que le prophète a parfois autorisé cette union lors des premières campagnes militaires, pour canaliser des besoins pressants et offrir une alternative au désordre moral.

Les racines du mariage temporaire remontent aux débuts de l’islam. Des récits rapportent que le messager de Dieu a permis cette pratique lors de la conquête de la Mecque, dans un contexte de bouleversements sociaux. Ce type d’union visait à prévenir la fornication et à poser un cadre légal sur des relations autrement tolérées. Mais la question de savoir si cette pratique a été définitivement interdite fait débat : certains, comme ibn Abbas, estiment qu’elle n’a jamais été abrogée, tandis qu’Umar ibn Khattab aurait acté son arrêt après la prise de la Mecque.

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Le Coran ne mentionne pas explicitement le mariage temporaire. Toutefois, plusieurs exégètes voient dans le verset 24 de la sourate An-Nisa une allusion possible à cette union. L’interprétation de ce passage reste l’objet de vives discussions. Dans la tradition chiite duodécimaine, le mariage temporaire conserve une place légitimée et continue d’être pratiqué, notamment en Iran où il est intégré dans la législation civile. À l’opposé, la majorité des écoles sunnites considèrent aujourd’hui que ce type d’alliance n’a pas de place dans la loi islamique telle qu’elle s’applique de nos jours.

Ce contraste, à la fois historique et doctrinal, donne au mariage temporaire une dimension complexe, à l’intersection des textes, des pratiques et des réalités sociales qui traversent le monde musulman.

quelles différences entre mariage temporaire (mut’a) et mariage permanent ?

Les spécialistes du droit musulman, comme les familles concernées, distinguent très clairement le mariage temporaire du mariage permanent. Le premier, appelé mut’a, se caractérise par une durée inscrite dès la signature du contrat.

Pour illustrer cette spécificité, voici comment la durée est généralement fixée dans le cadre du mut’a :

  • Quelques jours, plusieurs mois, rarement au-delà.

Le mariage permanent, pour sa part, ne prévoit pas de date de fin : le couple s’engage jusqu’à un éventuel divorce ou au décès de l’un des époux.

La dot (mahr) est prévue dans les deux formes d’union, mais son montant et sa nature varient. Dans le cas du mut’a, la dot s’adapte à la brièveté de l’engagement et se négocie à l’avance. La cohabitation n’est pas exigée, et les obligations sociales sont limitées. À l’inverse, le mariage permanent implique la vie commune, la famille, une prise en charge complète des enfants et des responsabilités mutuelles qui s’inscrivent dans la durée.

Le tableau suivant synthétise les principales différences :

Type de mariage Durée Responsabilité sociale Dot Enfants
Mut’a Limitée (prédéfinie) Faible Obligatoire, adaptée à la durée Reconnaissance variable selon les écoles
Permanente Illimitée Élevée Obligatoire, souvent plus élevée Responsabilité parentale entière

Dans la réalité, le mariage temporaire ne garantit pas à la femme les mêmes droits que le mariage permanent, notamment en matière d’héritage ou de garde d’enfants. Sur le plan légal, la plupart des pays européens, dont la France, n’accordent aucune reconnaissance à ce type d’union. Cette absence de statut redéfinit le sens même de la famille et s’éloigne radicalement du modèle du mariage civil ou du mariage religieux classique.

les conditions et modalités du mariage temporaire selon les écoles juridiques

Le mariage temporaire, ou nikâh al-mut’a, continue de provoquer des débats intenses parmi les juristes musulmans. Du côté chiite, en particulier chez les duodécimains, cette pratique est appuyée par certains hadiths et par la tradition du prophète. Le contrat doit préciser la durée, la dot, et reposer sur l’accord libre des deux époux. Contrairement à d’autres formes de mariage, la présence d’un imam n’est pas toujours requise : ce qui compte, c’est le consentement mutuel et le respect des conditions imposées par la loi islamique. À la fin du contrat, la femme doit respecter une période de viduité, tandis que l’homme ne peut cumuler certaines unions simultanément.

Chez les sunnites, la position est radicalement différente. Après quelques autorisations limitées aux premiers temps de l’islam, le mariage temporaire a été interdit, notamment sous le califat d’Umar ibn Khattab. Les chaînes de transmission, notamment celles de rabi ibn sabra ou abdullah ibn mas’oud, sont souvent invoquées pour justifier cette interdiction. La plupart des imams, à l’exception notable d’ibn abbas, condamnent la pratique et considèrent qu’elle trahit l’esprit de la famille musulmane, tel que défini par la tradition.

Dans la sphère chiite, des figures comme sheikh Sadouq ou Yakoub Koleiny défendent le mariage temporaire en s’appuyant sur leur lecture des textes et sur l’évolution des besoins sociaux, notamment en Iran et en Syrie. Les conditions posées restent cependant strictes : durée précise, dot convenue, interdiction des liens de filiation prohibés, et respect des règles relatives à la descendance. Cette diversité d’approches témoigne d’une jurisprudence mouvante, qui cherche à concilier texte, contexte et réalité du terrain.

union temporaire

débats contemporains : entre interdiction, acceptation et enjeux sociaux

Le mariage temporaire ne se limite plus aux pages des manuels de droit islamique : il s’invite dans les débats publics, des rues de Téhéran jusqu’aux discussions de penseurs musulmans contemporains à Paris. Dans la majorité des pays sunnites, l’interdiction du mariage temporaire fait figure de norme, la pratique étant assimilée à une forme cachée de prostitution. En Europe et en France, la loi ne reconnaît aucun contrat de mariage à durée limitée, si bien que la question reste cantonnée à la sphère privée, tiraillée entre héritage et revendication individuelle.

En Iran, cependant, le mariage temporaire conserve une existence légale, parfois présenté comme une solution à la solitude ou aux difficultés affectives des jeunes Iraniens. Ce choix soulève de nombreuses interrogations : place de la femme, fragilité du foyer, détournement du système à des fins strictement sexuelles. Certains intellectuels, tels que Bostani ou Horr Amili, examinent sans concession les dimensions éthiques et sociales du mariage temporaire et refusent toute lecture simpliste du phénomène.

La société reste profondément divisée. Pour certains, ce mode d’union apporte une réponse pragmatique à des situations que le mariage permanent ne résout pas. Pour d’autres, il nourrit l’incertitude et fragilise la sécurité des femmes. Les opinions se confrontent, oscillant entre tradition, engagement identitaire, et interrogations morales. L’avenir du mariage temporaire ne se joue plus seulement dans les textes : il s’écrit désormais dans les trajectoires individuelles, entre héritage religieux et transformations sociales.

Impossible de prédire si le mariage temporaire restera un point de friction ou s’il trouvera une nouvelle place au gré des mutations du monde musulman. Une certitude s’impose : la question, loin de s’éteindre, continue de façonner les débats, entre fidélité aux textes et exigences du présent.

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